Un nouveau Pakistan démocratique
Newark (Delaware) – Les résultats sont désormais acquis. Après une longue série d’événements troublants – des alertes, un assassinat, une vague d’attentats kamikazes – le Pakistan envoie enfin un message riche d’espoir et de promesse.
Les deux partis d’opposition se sont offert un bon pourcentage des voix, créant ainsi la possibilité de former une coalition. Ces rivaux de longue date risquent de ne pas pouvoir collaborer pendant longtemps encore. Mais s’ils parvenaient à faire taire leurs antagonismes partisans pendant quelque temps, ils pourraient établir un gouvernement stable qui aiderait le pays dans sa transition d’une dictature militaire vieille de près de dix ans à un mode de gouvernement démocratique.
Le People’s Party of Pakistan (PPP), dirigé par Asfi Zardari, mari de feu la premier ministre Benazir Bhutto, a gagné 113 sièges, s’imposant ainsi comme le premier parti du pays. Alors que de nombreux analystes affirment que le PPP surfe sur une vague favorable, sa performance est à peine supérieure à celle de 2002, époque où il avait gagné 81 sièges. Mais il a obtenu de bons résultats dans les quatre provinces, s’affirmant ainsi comme une force politique nationale.
La Pakistan Muslim League, dirigée par Nawaz Sharif (PML-N), s’est attribué 84 sièges, faisant de son leader un acteur de premier plan dans le processus de sélection d’un premier ministre. Aucune coalition ne peut être formée sans son soutien, et il aura assez de pouvoir pour poser ses propres conditions politiques. A présent, l’objectif premier de M. Sharif sera de forcer le Président Pervez Moucharraf à démissionner – même s’il doit pour cela aller jusqu’à une procédure de destitution.
Autre résultat intéressant dans cette élection: la déroute quasiment inconditionnelle des partis islamiques durs, qui étaient arrivés sur le devant de la scène politique nationale en 2002, en obtenant du coup le gouvernorat de deux provinces sur quatre.
Le PPP et la PML-N veulent un Pakistan démocratique. Si le PPP est fondamentalement laïc, la PML-N est légèrement de tendance islamique, ce qui lui permet de fonctionner comme une passerelle entre une démocratie à l’occidentale et l’islam politique. Autre aspect crucial: M. Sharif est connu pour sa détermination à circonscrire le rôle de l’armée dans le gouvernement et professe une profonde aversion pour les dictatures militaires.
Dans l’ensemble, les électeurs ont ignoré les candidats qui se réclamaient d’un programme mariant strictement religion et politique. Les partis islamistes n’ont gagné cette fois que trois sièges, contre 59 en 2002. Le nouveau résultat de ces partis en 2008 valide la conviction de nombreux modérés, qui voient dans la réussite spectaculaire du United Action Front (MMA) en 2002 comme un vote contre les Etats-Unis plutôt que pour un gouvernement fondé sur une interprétation pure et dure des principes islamiques.
L’année dernière, on aurait pu croire que des forces extrémistes allaient submerger le Pakistan. Une série d’explosions a tué plus de 500 personnes, Benazir Bhutto a été assassinée, tandis que des centaines de membres des forces de sécurité étaient capturés ou assassinés dans les provinces frontalières par des mouvements alliés aux Taliban. La situation sécuritaire était catastrophique, au point qu’on aurait pu croire que les élections, déjà reportées, seraient totalement annulées.
Mais on détecte aujourd’hui une vague d’optimisme, et l’impression que le Pakistan a tourné la page. Les forces laïques et modérées ont gagné, et dans les grandes largeurs. Le scrutin a infligé une défaite mémorable au parti de Moucharraf, qui, depuis des années, jouait une mascarade de démocratie, ainsi qu’aux partis religieux de tendance conservatrice dure.
Si on excepte un attentat à la bombe isolé, les élections se sont déroulées dans des conditions remarquablement paisibles. La participation a frisé les 45 pour cent, prouvant ainsi que, malgré la crainte du danger, les électeurs sont allés aux urnes en nombre. C’est peut-être grâce à une entente entre la police et les talibans pakistanais que ceux-ci se sont abstenus de saboter les élections.
Le Pakistan n’est pas pour autant débarrassé du jour au lendemain de ses problèmes. Les talibans et Al-Qaeda restent bien incrustés dans le pays. Il existe encore, dans la population, un soutien résiduel aux forces extrémistes. Plus de la moitié des électeurs n’ont pas pris part au scrutin, et de nombreux citoyens ne font pas confiance au système. Malgré tout, les modérés dits “silencieux” se sont enfin exprimés, faisant retentir dans le monde entier leur message riche d’espoir et de promesse. Ensemble, le PPP et la PML-N peuvent rassembler les Pakistanais, laïcs et religieux, autour de la quête d’un Pakistan stable et démocratique.
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